Dès son arrivée au coeur de la capitale, Antónia Rodrigues montra aux yeux de tous une maturité, un culot et une détermination sans faille. Elle rechigna aux tâches ménagères qui lui étaient dues et aux règles qui étaient imposées à son sexe. Imperméable aux violentes colères de sa soeur, la jeune Antónia affronta stoïque les menaces, puis les coups de son beau-frère excédé. Car bien que jeune, elle était déjà incontrôlable. Il lui arrivait de fuguer régulièrement, jouant au chat et à la souris avec ses hôtes.
Ceux-ci étaient loin de se douter qu’elle aimait se réfugier sur les quais où étaient amarrés les nefs de l’Empire. Sans crainte, Antónia tapait la discute avec les jeunes mousses qu’elle enviait. Se languissant d’être née femme, elle regardait à l’ouest en direction de l’immensité de l’océan.
Sa soif d’aventure était aussi importante que son chagrin, si bien que pendant l’été de la Saint-Martin, elle élabora un plan pour tordre le cou au destin qui lui était promis par sa soeur. Ainsi dans la plus grande discrétion, elle vendit ses fripes de jeune fille pour acheter un accoutrement masculin qu’elle dissimula soigneusement. Après avoir grappillé quelques sous, Antónia partit un beau jour à la rencontre de ses rêves, en quête d’un navire qui l’accepterait à bord.