Si le français est la langue de Molière, l’espagnol, celle de Cervantès ou encore si l’italien a Dante, la langue portugaise est, quant à elle, la langue de Camões. Cet auteur est tellement important au Portugal que le jour de la fête nationale du Portugal, le 10 juin, est le jour anniversaire de sa mort, le 10 juin 1580 (ou 1579 selon les sources). Le Portugal fait ainsi partie des rares pays dont la fête nationale n’est pas liée à un événement politique mais à un fait culturel.
Officiellement, le 10 juin est le jour du Portugal, de Camões et des communautés portugaises (o dia de Portugal, de Camões e das comunidades portuguesas). Cette journée rend aussi hommage au Portugal, à son armée et à l’ensemble de la diaspora portugaise.
C’est le roi Luís Ier qui proposa de commémorer les 300 ans de la mort de Luís de Camões le 10 juin 1880. Il déclare alors un “Dia de Festa Nacional e de Grande Gala”. Quand la première république portugaise succède à la monarchie en 1910, le 10 juin n’est cependant pas cité parmi les possibles jours fériés. Il faudra attendre 1919 et l’impulsion de Teófilo Braga, un poète renommé, alors président du Portugal. Ce dernier avait déjà été derrière les commémorations du 10 juin 1880. Son objectif était de valoriser un personnage laïc, afin de réduire l’importance de l’Eglise dans le pays. Sous l’Estado Novo, le régime de Salazar, ce jour est réutilisé sous le nom du jour de la race portugaise, lui donnant une connotation nauséabonde. C’est pendant cette période, en 1952, que le 10 juin devient aussi le jour de l’ange gardien du Portugal. Une dimension religieuse est ainsi accolée à une fête pourtant censée être laïque.Heureusement, Luís de Camões est trop populaire dans le pays pour être seulement associé à la dictature. Le jour de Camões est fédérateur tandis que le 25 avril, date de la révolution des œillets, est trop politique. C’est grâce à tout cela que la date du 10 juin a été conservée après le renversement de l’Estado Novo.
En effet, c’est en 1977 qu’un décret sacralise le 10 juin comme une “synthèse harmonieuse de la Nation portugaise, des communautés portugaises disséminées dans le monde et de la figure emblématique de la brillante épopée”. Dorénavant, le 10 juin est le jour du Portugal, de Camões et des communautés portugaises. Cela permet de substituer au concept de race portugaise, une idée plus universaliste de cette journée. Aujourd’hui, le 10 juin est donc un jour férié au Portugal. Des commémorations ont lieu dans tout le pays mais aussi dans la diaspora portugaise, présente dans le monde entier. Plus précisément, d’importantes communautés sont présentes en Espagne, en France (et à Saint-Barthélémy), aux Etats-Unis (dans le Rhode-Island) ou encore dans les anciennes colonies portugaises (au Brésil, en Afrique, en Inde…). Les dirigeants du Portugal rendent souvent visite à ces communautés le 10 juin. Par exemple, en 2018, le président Marcelo Rebelo de Sousa est allé aux Etats-Unis.On ne peut pas parler du 10 juin sans parler du fameux Luís de Camões ! Auteur phare de la lusophonie, il excelle dans trois genres littéraires en particulier : la comédie, la poésie lyrique et surtout l’épopée.
En effet, son chef-d’œuvre, les Lusiades, est l’épopée portugaise par excellence ! Ce recueil impressionnant de presque 9 000 vers est regroupé en 10 chants (nom des livres) et raconte le voyage et les exploits de Vasco de Gama. Celui-là même qui ouvrit la route des Indes en continuant le chemin de Bartolomeu Dias, un autre explorateur qui passa le premier le célèbre cap de Bonne-Espérance au sud de l’Afrique. Par ce biais, Camões raconte l’Histoire du Portugal, de ses débuts jusqu’à son époque, le XVIème siècle. Le nom Lusiades, vient d’ailleurs de l’ancienne province romaine, la Lusitanie, qui s’étendait du fleuve Douro à celui de la Guadiana, comprenant la majeure partie du Portugal actuel. Les Lusiades, écrites alors que Camões était lui-même aux Indes, seront un mythe fondateur du peuple portugais, de la même manière que l’Enéide l’a été pour Rome ou l’Odyssée pour les grecs. L’Antiquité gréco-latine a de fait été une source d’inspiration importante pour Camões comme pour les autres auteurs de la Renaissance. La publication des Lusiades en 1572 intervient 6 ans avant la mystérieuse disparition du jeune roi Sébastien, à qui elles ont été dédicacées. Cette disparition s’opère dans une bataille au Maroc alors que le roi n’a même pas 22 ans. Il ne laisse aucune descendance et le Portugal passe sous la domination des Habsbourg, qui régnaient en Espagne. Camões, qui meurt peu de temps après (en 1579 ou 1580 selon les sources) aurait eu cette phrase célèbre, selon Almeida Garrett (grand auteur portugais du XIXème siècle) “Avec moi meurt le Portugal”. Cette mort, qui s’est faite dans la plus grande misère selon certains auteurs, symbolise celle de l’âge d’or du Portugal, passé sous tutelle espagnole. Indocile, bagarreur mais aussi aventurier et homme de lettres, Luís de Camões incarne l’esprit portugais des grandes découvertes. Chaque époque a repris son héritage pour y incarner ses valeurs. Ainsi, il a tantôt été romantique, tantôt républicain, tantôt nationaliste… Aujourd’hui, il représente l’universalité de l’héritage portugais, présent sur tous les continents !Mots clé ayant permis de trouver cette recherche :